retour à la page des témoignages

TEMOIGNAGE DE WILLIAM (Bill) CETNAR
Responsable d'un tiers des Etats unis dans les années 50


INTRODUCTION
Je naquis à Ambridge en Pennsylvanie, quelques mois avant le krach à la Bourse en 1929. Mes parents étaient Catholiques, et jeune homme, mon père avait même pensé devenir prêtre. Vers l'époque où je suis né ma mère fut déçue par le catholicisme par suite du comportement douteux d'un prêtre de la localité. Elle se demandait sérieusement si l'Eglise Catholique représentait vraiment Dieu sur la terre. Cette désillusion produisit un vide en elle et prépara la venue des Témoins de Jéhovah, avec leur enseignement. Ma mère, maintenant convaincue des erreurs catholiques, poussa mon père à assister avec elle aux réunions des Témoins, mais il refusa.
"Nous sortons d'un piège, disait-il, ce n'est pas pour nous laisser prendre à un autre! ". Cependant, au bout de peu de temps, mon père s'y intéressa quand même, grâce à un vieil ami qui était devenu Témoin, lui aussi.


SOUVENIRS D'ENFANCE
Mes premiers souvenirs de la Société Tour de Garde viennent de la convention de 1935 tenue à Washington. Le Juge Rutherford y fut présenté comme le dirigeant de l'Organisation théocratique de Dieu sur la terre. On nous enseigna que l'on devait accepter tout ce qui venait de la Société car celle-ci était le "canal de Dieu pour toute compréhension de la Bible".
En 1937, après deux ans de réunions trois fois par semaine et l'étude du livre "La Harpe de Dieu", je fis cette prière sincère et fervente: "Père. je consacre ma vie à ton service pour faire ce que tu veux de moi", A la convention de Columbus cette année, lorsque le Juge Rutherford arriva, je laissai ma famille, passai en courant entre les cannes des placeurs et saisis son manteau. Quelle joie! Dans mon jeune esprit, son image était glorieuse - pour moi il était le plus grand lutteur pour Jéhovah et Jésus-Christ que le monde ait jamais vu. Tout ce que le Juge disait était vrai!
Plus tard, en quittant la Société je découvris que l'appellation de "Juge" venait de ce que Rutherford avait remplacé un juge malade pendant à peu près quatre jours. Il ne fut jamais élu officiellement juge.


LES TEMOINS DE JEHOVAH PERSECUTES
Dans la même année 1937 je fus témoin de la persécution des Témoins de Jéhovah. On les malmena et renversa quelques unes de leurs voitures. Je vis un panneau arraché de la voiture de mon père. Ces agissements poussèrent quelques Témoins à quitter le MOUVEMENT mais ceux qui restèrent devinrent encore plus fervents et unis dans le travail. Peu après mes parents furent appréhendés et incarcérés à la maison d'arrêt de Monessen en Pennsylvanie parce qu'ils avaient porté des panneaux avec le message "La Religion est un piège et une escroquerie". Plus tard je réalisai que mes parents ne furent pas persécutés "pour la justice'', comme nous le croyions à cette époque. Si leurs panneaux avaient annoncé "La fausse religion est un piège et une escroquerie', on ne les aurait pas persécutés. Je me souviens encore d'avoir glissé des bananes à travers les barreaux de la prison pour mes parents et les autres prisonniers. Mes parents furent relâchés au bout de quelques jours.


SERVITEUR AUX PUBLICATIONS A 13 ANS, PIONNIER TEMPORAIRE A 15 ANS
En 1940, à l'âge de onze ans, je fus baptisé au congrès de Détroit. Le baptême était le signe visible de ma consécration à Jéhovah. En 1943, maintenant lycéen, je devins pionnier temporaire pour les mois d'été, travaillant 150 heures par mois. Je le fis quatre années consécutives. En dépit du fait que je n'avais que treize ans, je fus nommé Serviteur aux publications. J'avais donc la responsabilité des journaux, de la sonorisation et des phonographes. J'installai la sonorisation pour nos réunions de plein air avec de la musique avant et après.
On me confia cette responsabilité parce que ma consécration était reconnue. J'étais très sérieux dans ma vie de Témoin de Jéhovah. Quand l'école du Ministère Théocratique débuta, je me fis inscrire et je me souviens de ma première prédication sur le nom de "Jéhovah". Je ne savais pas à cette époque que le mot "Jéhovah" était erroné. (La Société Tour de Garde arrive tout doucement à admettre que la forme "Jéhovah" est erronée. Dans sa traduction interlinéaire grec-anglais, le comité des traducteurs du monde nouveau reconnaît (page 23) "Tout en admettant que la prononciation "Yahweh" est davantage exacte, nous avons retenu la forme "Jéhovah" parce que c'est plus connu par les gens depuis le XIVème siècle )
Lors de mon travail de maison en maison, mes croyances étaient rarement contestées. Je me sentais tellement confiant d'avoir reçu la vérité, que j'en étais arrivé au point où l'opposition ne me déplaisait pas. Parfois la personne me demandait si j'étais "né de nouveau"; je répondais "oui"; "naître de nouveau" ne possédait aucune signification pour moi.


L'ORGANISATION VISIBLE DE DIEU?
En 1947 deux questions avaient pris de l'importance.
Fallait -il servir dans les forces armées?
La Société Tour de Garde, était-elle l'organisation visible de Dieu?
La seconde question était la plus importante. Je connaissais en dehors des Témoins bien des personnes que je respectais pour leurs capacités, leur connaissance de la Bible, leur intelligence, et leur amour réel pour Dieu. Je me demandais pourquoi Dieu n'avait choisi que la Société comme son organisation et pourquoi il détruirait tous les autres mouvements et individus. En quoi les dirigeants de la Tour de Garde étaient-ils différents? Je voulus voir par moi-même. Je me disais que si j'allais à Béthel (le siège mondial à Brooklyn) pour y travailler, je pourrais en effet rencontrer et parler avec ces leaders. Déjà en 1943 j'avais écrit pour entrer à Béthel et pendant plusieurs années je répétai ma demande. Chaque réponse du bureau du président me priait d'attendre au moins jusqu'à la fin de mes études. Une des exigences de Béthel était de rester célibataire pendant son service au siège. Ce n'était rien pour moi de le promettre dans le but de servir au siège mondial de l'organisation visible de Dieu.


PIONNIER A PLEIN TEMPS A 18 ANS, RESPONSABLE D'UN TIERS DES ETATS UNIS A 21 ANS
En 1947, âgé de dix huit ans, je commençai mon service de pionnier à plein temps.
Mon premier territoire fut Beverly Hills en Californie. Là je rencontrai Jack Benny et d'autres vedettes. Je mis sur pied des études bibliques avec certaines de ces célébrités. Puis la Société me dirigea sur Pacific Grove, en Calilornie. Ensuite, à l'automne de 1950, elle m'invita à travailler à Béthel.

Je débutai au siège mondial comme garçon de table, mais au bout de six semaines, on me muta aux bureaux, 117 Adams Street. Environ six mois plus tard je fus transféré au Bureau des Services sous T. J. Sullivan. "Quel privilège!" pensai-je. Entre autre, ce service organisait les congrégations et les congrès et nommait les serviteurs. Il s'occupait aussi des problèmes et des questions bibliques envoyées par les congrégations et agissait comme cour d'appel dans les cas d'exclusion. J'étais moi même responsable d'un tiers des Etats-Unis. Souvent les réponses se bornaient tout simplement à renvoyer des lettres circulaires ou à indiquer aux gens les passages appropriés dans les publications de la Tour de Garde. Si une lettre atterrissait sur mon bureau et que je me trouvais incapable d'y répondre, je demandais conseil à T. J. Sullivan. Parfois il en parlait avec le vice-président Fred Franz ou le président Nathan Knorr. En général Franz tranchait les questions de doctrines bibliques et Knorr s'occupait des questions d'organisation.


LES VACCINATIONS INTERDITES
En décembre 1951, lorsque le Président Knorr vint surveiller mon bureau, j'avais une trentaine de lettres venant de parents qui demandaient si la loi de Dieu permettait à leurs enfants d'être vaccinés contre la variole, ceci étant obligatoire pour leur scolarité.
L 'opinion de la Société là -dessus était déjà connue depuis des années. Le journal "L'Age d'Or" affirmait que puisque la vaccination est une injection directe de produit d'origine animale, dans le système sanguin, c'est une violation directe de la loi de Jéhovah. (édition anglaise du 24 avril 1935, page 465) Répondre à ces lettres n'aurait pas dû me faire rencontrer la moindre difficulté, seulement j'avais des doutes quant à la position de la Société sur ce point.

Après quelques questions concernant mon travail, Knorr me demanda "Quelles sont ces lettres sur ton bureau? '' Je répondis que j'avais du mal à y répondre parce que je ne croyais pas à la doctrine de la Société quant aux vaccinations. Il me répondit: "Ce n'est pas à toi de discuter de doctrine". Après notre conversation je partis pour Pittsburgh en Pennsylvanie pour y faire un discours. A mon retour je constatai que l'on avait répondu aux lettres qui étaient restées en attente sur mon bureau.
Plus tard je visitai les laboratoires Lederle où se fabriquait le vaccin antivariolique. Je trouvai que mes soupçons étaient justifiés. La Société enseignait que les vaccinations violaient la loi de Dieu parce qu'elles introduisaient du sang animal dans le sang humain, mais je découvris que cela était inexact En effet ce vaccin était cultivé dans l'embryon d'un poussin, donc en dehors de toute question de sang. Dès mon retour au siège, j'envoyai un mot sur ma découverte au président, mais il ne m'en accusa jamais réception.


LES VACCINATIONS PERMISES
A ma grande surprise Dieu changea d'avis le 15 avril 1952, dans une lettre où la Société, parlant à la place de Dieu, fit marche arrière, là où elle avait dénoncé les vaccinations comme "une violation directe de la loi de Dieu '. Entre autre, cette lettre précisait que la question d'être vacciné doit être décidée par l'intéressé lui-même et qu'une interdiction scripturaire ne semblait pas exister.
Quand ce changement se produisit, je me disais comme beaucoup d'autres Témoins, que l'organisation de Dieu corrigeait une erreur. J'aurais dû plutôt me dire ceci: "comment se faisait-il que les grands chefs de l'organisation avaient enseigné et souligné comme la "loi de Jéhovah", ce qui en fait n'était qu'erreur, et cela depuis si longtemps?"


LES VACCINATIONS ET L'HYPOCRISIE
Cette interdiction insensée à propos des vaccinations avait créé de graves problèmes. Par exemple, avant qu'un enfant puisse entrer au cours préparatoire à l'école, on devait présenter l'attestation de la vaccination antivariolique. Comment le Témoin, croyant que la vaccination était contre la loi de Dieu pouvait-il le faire? Mes beaux-parents, et beaucoup d'autres firent la seule chose possible - ils amenèrent leur fille chez un docteur qui simula une vaccination à sa jambe avec de l'acide. Puis le médecin signa l'attestation et la fillette n'avait plus aucun problème pour entrer à l'école.
La cousine de Joan eut une "vaccination" analogue, mais malheureusement le docteur fit tomber de l'acide sur sa jambe. Elle en porte la marque encore aujourd'hui.
On m'a dit que A. E. Ilett, le médecin de Béthel, remplissait les attestations sans avoir fait la vaccination, et je le crois, car sans vaccination, les missionnaires Témoins ne pouvaient pas quitter le pays; donc ils obtenaient leurs attestations quelque part. En fait, un des frères me dit que ce changement de doctrine s'imposa parce que la Société voulait éviter un scandale à ce sujet.
Personnellement je fus vacciné, mais mon frère et ma soeur ne le furent jamais.
Dans son livre "Faith on the March" (La Foi qui marche), A. H. MacMillen, un Témoin de très longue date, dévoile un autre problème. Certains Témoins se virent refuser leur dérogation aux obligations militaires, et se retrouvèrent en prison. L'Office de Santé avait donné ordre que tous les hommes en prison devaient être vaccinés. Quelques Témoins refusèrent et furent conduits en cellule solitaire. Macmillen reçut l'autorisation de parler à ces hommes. Lors d'une discussion qui dura deux heures, il est intéressant de remarquer que Macmillen démolit les arguments de ces hommes qui ne faisaient que suivre l'enseignement de la Société. Finalement ces hommes acceptèrent les vaccinations
Quelle, est la signification de la position tenue par la Société jusqu'en 1952 quant aux vaccinations? Des milliers de parents et d'enfants, afin de mettre en pratique la "loi de Dieu" (l'enseignement erroné de la Société) mentaient aux autorités scolaires. D'autres avaient souffert inutilement en prison.
Pourquoi a-t-il fallu attendre 1952 pour voir un changement de doctrine? Allons nous vers la découverte que l'interdiction de la Société à l'égard des transfusions sanguines est autant erronée? Là, le problème est que des milliers de personnes ont déjà donné leur vie en sacrifice sur le faux autel de la Tour de Garde.


LES "POTS DE VIN".
Une autre expérience qui me poussa à examiner la prétention de la Société de la Tour de Garde d'être l'organisation de Dieu, concerne Anton Koerber. Je me souviens encore de mon père qui parlait de lui après le congrès de 1935 à Washington. Koerber s'occupait de la sonorisation du congrès, et pour diverses raisons, ne s'entendait plus avec le Juge Rutherford. Quand Anton rentra à Bethel, il trouva qu'il avait été mis à la porte et exclu de la Société. Il retourna alors aux affaires immobilières et connut la prospérité jusqu'à la fortune. Jusqu'en 1952, tout ce que je savais de lui était défavorable. Il était devenu un serviteur infidèle, qui s'étant détourné de l'organisation de Dieu, était exclu comme il se doit.
En 1952 Anton Koerber reprit contact avec la Société et fit savoir aux responsables qu'il voulait devenir pionnier spécial. Sa première demande fut rejetée à cause de sa rébellion dans le passé. Puis il se présenta à Béthel et je fus informé par T.J. Sullivan que je devais descendre à la salle d'attente du huitième étage afin de bien lui expliquer la raison pour laquelle il ne pouvait pas être nommé pionnier.
Je rencontrai alors un homme âgé qui n'était plus en bonne santé. Il me demanda s'il pouvait être pionnier. Je lui dis que c'était impossible à cause de son passé, puis j'ajoutai: "Tu sais, Anton, si tu aimes vraiment Jéhovah, tu dois le servir autant d'heures que tu peux, mais sans le titre. C'est le titre qu'on te refuse mais non le privilège de servir '. Cette réponse ne le satisfit pas, et il me dit qu'il poursuivrait l'affaire. En me serrant la main, il y laissa un billet de dix dollars.
Je rapportai à T. J. Sullivan qu'Anton n'était pas satisfait et demandai que quelqu'un d'autre lui parle. Aussi A. H. Macmillen fut-il envoyé avec le même message. J'étais présent pendant l'entrevue de Macmillen et Koerber. MacMillen le mit plus bas que terre; Koerber entendit qu'il n'était qu'un égoïste qui voulait un titre, mais qu'il ne l'aurait pas. S'il voulait faire quelque chose, il pouvait être simple proclamateur. Macmillen était de loin beaucoup plus sévère que moi.
Un ou deux jours plus tard, quand j'entrai dans le réfectoire de Béthel pour le repas je fus ébahi car là, à coté de N.H. Knorr était assis, en tant que son invité ... Anton Koerber!
Je quittai la salle après le repas presque incapable d'en croire mes yeux! Je passai dans le hall et Koerber m'appela. Par la fenêtre il m'indiqua une voiture neuve garée le long du trottoir, et me dit: "Tu vois cette Cadillac dans la rue, j'en ai fait cadeau à Knorr, et je lui en offrirai une deuxième dès qu'il le voudra".
Quelques années plus tard, quand je parlai de cette expérience à G. Russel Pollock, il m'apprit que Koerber s'était approché des Etudiants de la Bible "Aurore" (1) en 1951, peu avant son contact avec la Société Tour de Garde.

(1) - Quelques mots d'explication sont nécessaires à l'intention de ceux qui ignorent les étudiants de la Bible "Aurore". Cette association est une des plusieurs sectes "russellistes" sorties de la Société Tour de Garde, les plus importantes étant les "Amis de l'homme" et le "Mouvement Intérieur Laïque". D'autres groupes moins importants existent également. Les "Auroristes'' restent fidèles à l'enseignement de Charles Taze Russell, premier président de la Société Tour de Garde jusqu'à sa mort en 1916, et s'opposent aux Témoins de Jéhovah là où les doctrines de Russell ont été changées ou supplantées. Avec tous les autres groupes dissidents, les "Auroristes" sont stigmatisés par les Témoins comme de "méchants esclaves" et sont l'objet de leur mépris total.

Les renseignements se trouvaient dans une lettre de Pollock adressée à mes beaux-parents, datée du 15 novembre 1971 et rédigée comme suit:
"Anton Koerber a envoyé à "L'Aurore" un chèque de 2000 dollars et a sollicité une rencontre avec la direction de "L'Aurore". Nous l'avons rencontré à notre Convention Générale de 1951. Il a voulu offrir de l'argent à "L'Aurore" si ses membres établissaient une organisation structurée de la même façon que les Témoins de Jéhovah, c'est-à-dire dirigée depuis un siège central. Il a continué cette discussion par téléphone pendant quelques temps de sa maison en Floride. Bien entendu, nous ne pouvions pas accepter ses termes de coopération. Comme Bill fit remarquer: l'esclave méchant (comprendre la dissidence "Aurore" ) a refusé les "pots-de-vin" tandis que l'esclave fidèle et avisé (comprendre les"témoins de Jéhovah") les a acceptés. Ceci est vrai et peut être vérifié".
Mais la fin de l'histoire est encore meilleure. Anton Koerber, à qui l'on avait refusé la place de pionnier (position ayant relativement peu d'importance) fut nommé serviteur de circonscription (position privilégiée choisie dans les rangs des pionniers fidèles!). En 1953 il devint président de l'Assemblée Internationale à Yankee Stadium. Il mourut le 19 novembre 1967, et dans son édition anglaise du 15 mai 1968, la Tour de Garde publia "La vie d'Anton Koerber racontée par ses amis"; (l'article ne donne aucune indication de ce qui s'est passé entre 1935 et 1952.
L'article reconnaissait que matériellement Koerber était extrêmement généreux. Lors de son discours à Dodger Stadium, le 20 juin 1973, le vice président Franz alla jusqu'à citer Anton Koerber comme l'exemple de l'homme qui voyait la nécessité de se concentrer sur les valeurs spirituelles et de suivre fidèlement les traces du Seigneur Jésus Christ. Il fit ses éloges parce qu'il avait refusé des affaires qui lui auraient fait gagner en un an un million de dollars. Pourquoi? Parce qu'il n'a pas voulu interrompre son travail à plein temps dans le ministère de Jéhovah Dieu.
Par contre les faits indiquent qu'Anton Koerber se serait autant plu avec les Etudiants de la Bible "Aurore" (méchant serviteur) qu'avec la Société Tour de Garde (bon et fidèle serviteur), à condition de jouir des applaudissements du public!


QUALIFICATION DES RESPONSABLES
En plus de mon travail dans le Bureau des Services, je fus aussi désigné pour faire des recherches pour des articles, travaillant sous la responsabilité de Bill Wheeler du Bureau Editorial. Quelles étaient mes qualifications pour un tel travail? Nulles! Souvent mes seules connaissances en telle et telle matière se limitaient à tout ce que je pouvais trouver à lire là-dessus. Je ne possédais aucune formation me rendant capable de juger l'évidence objectivement.
Le principe de base était de chercher tout ce qui était en conformité avec les dogmes de la Société.
Si les données étaient favorables, on s'en servait. Sinon, on ne les utilisait pas. D'après mes connaissances au siège, je dirai que ce manque de qualifications était la règle générale au Bureau Editorial. L'instruction de la plupart des gens s'était arrêtée au lycée. C'était même le cas du président de la Société, N.H. Knorr, qui entra à Béthel en quittant le lycée.
On décourage les Témoins d'entrer en faculté et de lire des livres écrits par des non-Témoins car nous a-t-on dit, ceux-ci sont rédigés par les gens du monde. Récemment dans un discours de A. D. Schroeder à une Assemblée en Californie, les Témoins apprirent qu'ils ne devaient pas lire des publications éditées en dehors de la Société car ils y perdraient des heures qui seraient mieux employées dans le service ailleurs. Puis il ajouta que si les livres contenaient quelque chose d'utile, la Société le condenserait afin de présenter aux Témoins une lecture vite faite en quelques minutes.
C'était en fait une forme subtile de censure. Déjà tout écrit venant d'anciens Témoins était interdit. A présent le Témoin ne doit rien lire d'autre que les publications de la Société.
En plus des activités de recherches, je travaillais sur des plans de discours à l'Ecole Théocratique, et de 1951 à 1952 j'écrivis un article mensuel dans l'Informateur (maintenant "Notre Ministère du Royaume"). Puisque je faisais partie des orateurs de Béthel, je parlais dans plusieurs Salles du Royaume et les grands congrès. Pendant à peu près un an j'écrivis et animai une émission d'une demi-heure pour l'émetteur WBBR appartenant à la Société.


CE QUE VOUS NE SAVEZ PAS SUR LA TRADUCTION DU MONDE NOUVEAU
Le travail sur la Traduction du Monde Nouveau s'achevait au cours de mon séjour à Béthel. Le comité de traduction demanda que les noms des traducteurs restent inconnus même après leur mort. (Voir "Les Témoins de Jéhovah dans les desseins divins", page 258 ).
Puisque je connaissais les traducteurs _ car tout le monde à Béthel était au courant - moi aussi, si j'avais fait partie du comité de traduction, j'aurais préféré que mon nom reste inconnu. L'anonymat des traducteurs s'explique pour deux raisons:
1 - Personne ne pourrait vérifier ni évaluer les qualifications des traducteurs.
2 - Personne n'aurait à prendre la responsabilité de la traduction.
Cependant quand on demanda à Franz (ce dernier succéda à Knorr comme Président de la Société en 1976) dans un tribunal en Ecosse: "Pourquoi tant de secret? il répondit: "Le comité voulait une traduction anonyme pour en refuser toute la gloire et l'honneur." L'avocat répondit: "Les auteurs et traducteurs ne reçoivent pas toujours gloire et honneur pour leurs efforts, n'est-ce pas?"
Ne serait-ce pas de toute importance de connaître les hommes, leurs qualifications et leurs capacités? Ces hommes auxquels nous confierions notre vie spirituelle? On n'aurait sûrement pas confiance en un chirurgien qui refuserait de donner son nom et ses qualifications. J'ai noté avec intérêt qu'à Béthel les traducteurs ne prenaient aucune précaution pour sauvegarder leur anonymat. Ils se levaient de table ensemble avant tout le monde pour partir à Staden Island à bord de la voiture du président. Ils restaient là, parfois absents de Béthel pendant des semaines.
Cette procédure astucieuse n'est pas nouvelle au sein de la Société. En fait la Tour de Garde attribue toute "nouvelle lumière" à une entité anonyme appelée le "reste" (un bouc émissaire abstrait). Pourtant nulle part il n'existe une liste des noms composant le "reste" ou "esclave fidèle et avisé". Personne ne sait vraiment qui est le "reste", et le "reste" ne s'est jamais réuni en convention pour décider l'enseignement ou "nouvelle lumière" de la Société.
D'après mes observations, je dirais que N.H. Knorr, F. W. Franz, A. D. Schroeder, G. D. Gangas et M. Henschel se réunissaient pour les séances de traduction. Hormis le vice-président Franz (et ses qualifications sont limitées), aucun des membres du comité ne possédait l'instruction et la formation leur permettant de s'établir comme des traducteurs sérieux de la Bible. On peut sérieusement douter de la capacité de Franz de faire le travail érudit qu'est la traduction de l'hébreu. C'est ce qui s'est dévoilé en novembre 1954 à la Cour des Sessions en Ecosse. Voici un passage des questions et réponses entre l'avocat et Franz, extrait du compte-rendu du procès

Question: Vous êtes-vous familiarisé avec l'hébreu?
Réponse: Oui.
Q: De sorte que vous avez une connaissance linguistique approfondie?
R: Oui, pour mon travail biblique.
Q: Je crois que vous êtes capable de lire et suivre la Bible en hébreu, grec, latin, espagnol, portugais, allemand et français?
R: Oui.
Q: Vous même savez-vous lire et parler l'hébreu?
R: Je ne parle pas hébreu.
Q: Vous ne savez pas?
R: Non.
Q: Pouvez-vous, vous-même traduire ceci en hébreu?
R: Quoi?
Q: Le quatrième verset du chapitre deux de la Genèse.
R: Vous voulez dire là?
Q: Oui
R: Non, je n'essaierai pas de le faire.
Ce que Franz "n'essaierait pas" de traduire en hébreu était un simple exercice ne présentant aucune difficulté à un étudiant de première ou deuxième année de faculté. Voilà l'attestation venant d'un professeur d'hébreu qualifié.
C'est à cause de l'incompétence des traducteurs que les traductions qui en résultèrent n'étaient pas, dans bien des cas, fidèles aux langues originales, mais plutôt aux croyances tendancieuses des Témoins. Cette chose est vérifiée par beaucoup d'érudits en matière de Bible, parmi eux le Dr A. Hœkema qui l'expliquait ainsi:
Leur traduction de la Bible, dite du "Monde Nouveau" n'est pas du tout une traduction objective du texte sacré en anglais moderne, mais c'est une traduction tendancieuse dans laquelle plusieurs des enseignements particuliers de la Société Tour de Garde sont glissés frauduleusement.
En mars 1954 je reçus la charge d'interviewer le traducteur bien connu de la Bible, le Dr Edgar J. Goodspeed pour son évaluation du premier volume de la Traduction du Monde Nouveau concernant les Ecritures Hébraïques. Je devais essayer d'obtenir son approbation. Pendant les deux heures que dura ma visite chez lui, il devint évident qu'il était bien au courant du volume car il citait le numéro de chaque page où se trouvaient les passages avec lesquels il n'était pas d'accord. En le quittant on lui demanda s'il pouvait recommander la traduction au grand public. Il répondit: "Non, je regrette, je ne le peux pas. La grammaire est regrettable. Faites attention à la grammaire. Notez bien ce que je dis là."


LES TRANSFUSIONS SANGUINES
Quand j'entrai à Béthel en 1950 la position de la Société à l'encontre des transfusions sanguines n'était pas encore devenue une affaire importante. Après cette date on y prêta davantage attention à cause de la publicité dans les journaux. Plusieurs cas de Témoins qui refusèrent les transfusions furent portés à ma connaissance pendant mon séjour à Béthel. Je vérifiai l'évidence scripturale dont nous nous servions et parvins à la conclusion que notre position était erronée
Je discutai sur la question avec Colin Quakenbush, l'éditeur de "Réveillez-Vous!". D'autres membres du bureau éditorial connaissaient mes opinions personnelles. A leurs yeux j'étais peut-être amoindri, mais je ne fus pas exclu, alors que dans une Salle du Royaume je l'aurai été certainement. J'acceptais ce que la Bible dit dans Actes chapitre 15 -ne pas boire le.sang-. Mais je savais aussi que cela ne pouvait être contre la loi de Dieu suivant les paroles de Jésus dans Marc' 7.15
"Il n'y a rien d'extérieur à l'homme qui,- pénétrant en lui, puisse le souill-er; mais ce qui sort de l'homme c'est là ce qui souille l'homme."
Probablement c'est à cause de mon désaccord avec la doctrine de la Société qu'on me releva de mes fonctions au bureau des services pour devenir réceptionniste au 117 Adams Street. J'avais encore une position de responsabilité car j'accueillais les personnes entrant dans le hall de l'immeuble. Ce fut là que je rencontrai pour la première fois Monsieur Walter R. Martin, auteur du livre "Le Royaume des Sectes" (anglais). Sans que Monsieur Martin le sache, malgré notre confrontation, il avait planté en moi des grains de vérité, ce qui m'aiderait plus tard à comprendre la vraie théologie chrétienne. Il me pria de lire Esaïe 44 6 et Esaïe 48.12.
Voici ce qu'a dit Jéhovah, le Roi d'Israël et son Racheteur, Jéhovah des armées: "Je suis le premier et je suis le dernier, et en dehors de moi il n'y a pas de Dieu"
Donc Jéhovah déclare qu'il est le seul premier et le seul dernier et le seul Dieu; ce qui évite toute confusion comme s'il existait deux premiers et deux derniers. Puisque Jéhovah est le seul Dieu, comment le logos (Jésus), peut-il être "un dieu", un dieu plus petit que Jéhovah, comme les Témoins l'enseignent?
D'autres preuves de la Divinité de Christ se trouvent dans Apocalypse 1. 17, 18 et 2.8, car là il se révèle comme le Premier et le Dernier, celui qui est mort et qui vit éternellement. Dans Apocalypse 22:13, Jésus dit: "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin". Je fus obligé de l'accepter sinon je reniais l'autorité des Ecritures. Vingt ans plus tard, je rencontrai à nouveau Monsieur Martin, et il fut heureux d'apprendre que j'avais quitté la Société.
Les membres du Département Editorial avaient souvent des différences d'opinion mais chacun devait camoufler ses opinions par crainte de perdre sa place ou d'être considéré comme hérétique. En 1952 le Président Knorr fit une remarque très importante et révélatrice après une discussion doctrinale parmi les frères à l'éditorial. "Frères" dit-il, "discutez tant que vous voulez, mais quand ça part du sixième étage, c'est la vérité!" Il voulait dire par là qu'une fois imprimé (les presses se trouvaient au sixième étage) c'était la Vérité derrière laquelle il fallait nous unir.
Ceci, Franz le reconnut devant le Tribunal; par contre il ne disait pas la vérité quand il niait les différences d'opinion:

Question: N'ai-je pas raison de dire que les dirigeants examinent [le matériel à publier] à un moment donné?
Réponse: Tous l'examinent.
Q: Tous votent s'il y a lieu?
R: Ils expriment leur opinion.
Q: Et votent?
R: On ne vote pas. Si c'est publié on l'accepte.
Q: Mais avant la publication, comment décide-t-on s'il y a une différence d'opinion?
R: il n'y a pas de discorde.
Q: Jamais?
R: Quand la chose est publiée tous sont d'accord.



PROTECTION SPECIALE PENDANT LA GUERRE
Souvent on m'a posé la question: "Qu'est-ce qui donne aux Témoins un tel zèle fervent pour propager leurs croyances et même mourir pour elles?"
La réponse c'est que les Témoins croient que la Société possède l'autorité de parler de la part de Dieu, qu'ils servent Dieu et meurent pour Lui. L'attitude des Témoins révèle clairement l'enseignement de la Société. Une conversation intéressante eut lieu en 1955 entre Gonrad Franke, serviteur de filiale en Allemagne, F. C. S. Hoffmann, serviteur de filiale en Suisse, et d'autres frères dans ma chambre à Béthel. Pendant la conversation je questionnai le frère Franke au sujet de la protection spéciale des Témoins de Jéhovah dans les camps de concentration durant la Deuxième Guerre Mondiale. On m'avait dit que vers la fin des années trente, le Juge Rutherford parlait dans une convention en Allemagne, disant aux frères qu'en temps de danger les Jonadabs (c'est-à-dire, la classe terrestre, ceux des Témoins qui sont censés rester éternellement sur la terre, à l'opposé de la classe céleste qui va au ciel), jouiraient de la protection spéciale de Dieu.
Cette croyance dans la protection de Dieu explique la raison pour laquelle deux mille Témoins résistèrent à Hitler jusqu'à mourir devant ses pelotons d'exécution. On leur avait dit que Dieu arrêterait les balles! La théorie était que les Jonadabs ne pouvaient être tués, grâce à leur certitude de passer à travers la bataille d'Harmaguédon, tandis que les membres du "reste" (les 144000 de la classe céleste) devaient s'attendre à la mort par persécution. Le frère Franke nous expliqua qu'avant cette annonce quatre vingts pour cent environ des frères allemands se sentirent appartenir au "reste". Après le discours du Juge et la publication de l'article intitulé "Son nom" dans la Tour de Garde, le nombre de ceux qui prétendaient faire partie de la classe céleste tomba à vingt pour cent!
Cette illusion de protection se volatilisa irrémédiablement lors d'une expérience pendant la guerre. Le frère Franke nous raconta comment cinq frères allemands parmi les "Jonadabs protégés", refusèrent de s'abriter pendant les bombardements de la R.A.F. Une des bombes leur tomba dessus alors qu'ils étudiaient le texte quotidien et ils furent tués sur le coup. Il va sans dire que cet événement dramatique transforma les croyances des Témoins en Allemagne. Les frères furent stupéfaits de voir que Dieu ne protégeait pas les Jonadabs comme le Juge Rutherford l'avait déclaré. Afin de vérifier l'histoire j'ai correspondu avec Gonrad Franke, recevant la confirmation dans sa lettre du 27 août 1963.


MARCHE OU CREVE: MORT DE CHARLES DE WILDA
Un des drames tragiques qui se produisit au siège de la Tour de Garde pendant mon service concerna Charles de Wilda.
Charlie, comme nous l'appelions tous, avait déserté de la cavalerie après la Première Guerre Mondiale, et en cherchant un emploi, il entra au siège.
On l'informa qu'il y avait du travail, mais que le salaire n'était que de vingt dollars par mois, logé et nourri. Il accepta cette proposition et lorsque je l'ai connu, il y avait travaillé déjà depuis plus de trente ans. Maintenant Charlie était vieux, un peu diminué mais encore travailleur. Le Président Knorr le citait souvent en exemple pour souligner le volume de travail qu'un homme pouvait accomplir. Charlie était le meilleur relieur du quatrième étage.
Mais, comme tous ceux qui travaillent à Béthel, il n'avait pas le droit de se marier s'il voulait rester à Béthel. Knorr répétait souvent cette règle, et cela irritait Charlie. Toutefois, en 1952, en violation de son règlement, Knorr épousa Audrey Mock, une des sœurs de Béthel. Quelques années après le mariage, Charlie alla voir Knorr en lui disant qu'il avait violé sa propre loi et qu'il devait donner sa démission. Il ajouta: "Tu prêches la charité plus que tout le monde, mais c'est toi qui la pratiques le moins!"
Le résultat de cette confrontation, c'est que l'on refusa à Charlie sa place au réfectoire, et il se retrouva relégué dans un coin éloigné. Le prétexte était qu'il avait été grossier. C'était évident qu'on le punissait. Il refusa de rester à sa nouvelle place et retourna à sa table habituelle. On lui rendit la vie tellement amère à Béthel qu'il prit ses quelques affaires et partit. Béthel avait été toute sa vie. Il y avait même passé ses congés. Il ne savait pas où aller;il n'avait personne pour le recevoir mais pour lui, à l'époque, n'importe quoi était mieux que Béthel. Je le rencontrai plus tard; il dormait dans un véritable taudis à cinquante centimes la nuit. Lorsqu'il lui arrivait d'être à court d'argent, il en demandait aux ouvriers de Béthel et aux autres Témoins pour subvenir à ses repas. Je lui en donnai pour ses besoins. On fit part aux ouvriers de Béthel de ne pas lui donner de l'argent et une lettre précisant la même chose partit du siège à l'intention des congrégations du secteur. C'était pour l'obliger à revenir. J'ai entendu dire finalement que Charles de Wilda mourut sur un banc de jardin public.
Voilà comment on récompense un homme après quarante ans de service fidèle dans "l'Organisation de Dieu" parce qu'il dénonça une anomalie évidente. Ce fut un exemple qui me révéla le peu d'amour qui existe au siège à l'égard du personnel qui y travaille.


LES QUESTIONS D'ARGENT
Un autre incident me vient à l'esprit. Un jeune homme perdit quatre de ses doigts dans un massicot. Parce qu'il n'était plus valable dans l'atelier, on le renvoya afin de se débrouiller tout seul comme pionnier. Son accident ne fut pas dédommagé, car pour de tels cas, disait-on, une assurance était trop onéreuse.
Je ne pouvais accepter cette explication.
Pourquoi?
Le contrôleur de la Société, Myron Quakenbush me dit que le prix de revient du livre "Que Dieu soit reconnu pour vrai", avec plus de trois cents pages, n'était que de sept centimes. Nous vendions le livre cinquante centimes. Chaque jour nous en imprimions une pile aussi haute que l'Empire State Building (1).
(1) L'Empire State Building (1929-31) se trouve à New York; il mesure 442 mètres de haut, 381 mètres sans la tour T V., 102 étages, 1650 fenêtres, 63 ascenseurs et 1868 marches.

Les autres publications produisaient des bénéfices semblables. De plus, des milliers de Témoins meurent chaque année léguant leurs biens à la Société Tour de Garde. Un plus grand nombre encore donne de l'argent d'une façon régulière chaque année.
Je reçus moi-même un tel don pour la Société quand un marin vint à Brooklyn en quittant son bateau et me remit mille dollars anonymement. Il y a d'énormes bénéfices venant des congrès tenus chaque année, par les offrandes et là vente d'alimentation. Le prix de la nourriture est certes modique, mais celle qui n'est pas offerte par des Témoins est achetée au prix de gros et la main-d'œuvre est gratuite.
Je calculai un jour que l'on pouvait devenir riche rien que par la vente des pâtés en croûte! Je parvins à cette conclusion en me basant sur la différence entre le prix de revient et le prix de chaque tranche!
Le prétexte que des assurances étaient trop "onéreuses" pour couvrir le personnel en cas d'accident, ne résistait pas à l'examen. C'était une autre preuve qu'on ne se souciait pas de la sécurité de ceux qui travaillaient au siège.



AVARICE QUI CONDUIT A LA MORT D'UNE JEUNE FILLE
Un autre incident secoua ma foi dans l'organisation et ses dirigeants. En 1956 ou 1957 deux jeunes filles vinrent de la Thaïlande afin de recevoir une formation missionnaire à l'école de Galaad. Le problème de la langue à apprendre, sans parler des autres matières indispensables, provoqua chez l'une d'elles une dépression nerveuse. Elle était souvent poussée par une force irrésistible à enlever ses vêtements et à courir dans l'immeuble. On l'envoya donc chez nous, à Béthel, avec l'espoir de la voir se détendre et récupérer. Mais sa condition empira et elle essaya de se suicider en se jetant par la fenêtre.
Le Président Knorr dit à Worth Thornton, le secrétaire aux transports, de renvoyer la jeune fille en Thaïlande de la façon la moins coûteuse, dès que possible. Elle devait prendre le train pour San Francisco d'où un bateau l'amènerait en Thaïlande. Une fois au courant de ce projet, elle supplia qu'on l'envoie par avion ou qu'un autre missionnaire voyage avec elle. Elle expliqua que lorsque cela la prenait, elle ne se contrôlait plus et qu'elle risquait de se jeter à la mer. Ses deux requêtes furent rejetées sous prétexte que cela coûterait trop cher. Worth Thornton en fut très contrarié; je le sais car j'ai discuté avec lui à ce sujet.
La jeune fille prit le train puis monta à bord d'un navire marchand à San Francisco. Alors que le bateau contournait Hawaï, une crise la saisit et elle se jeta par dessus bord.
Le navire revint à sa recherche mais on n'en trouva aucune trace. Des requins l'avaient peut-être saisie. Le navire avertit la Société par radiogramme et le message fut capté par Arthur Barnett, qui travaillait au standard de Béthel. Russell Kurzen, le standardiste de Béthel apprit également la tragédie. Tous deux en furent bouleversés et ils racontèrent la mauvaise nouvelle à d'autres membres de la famille de Béthel. Le Président Knorr se vexa beaucoup de ce que la chose s'était ébruitée et renvoya Arthur et Russell de leur poste.
Cette affaire me contraria beaucoup. Suffisamment de fonds étaient disponibles pour que le président de la Société puisse voyager en première classe et jouir de tout confort; mais s'occuper correctement de la jeune fille afin qu'elle retourne chez elle saine et sauve, revenait trop cher. Cette décision cruelle lui coûta la vie.


MES HESITATIONS
J'avais vu et connu bien des choses pendant les huit ans et demi de mon séjour au siège de la Tour de Garde. Je donnai ma démission dans le courant de l'été 1958 et à l'époque je n'avais plus envie de reprendre une position dans la Société. Ayant terminé sa période d'engagement, Joan démissionna également. On me demanda si je voulais être nommé serviteur de circonscription ou de district, mais je refusai ces deux propositions. Je ne voulais même pas être pionnier. Je voulais réfléchir loin des pressions du siège.
Mes expériences à Béthel avaient suscité en moi plusieurs doutes à l'égard de la Société, mais ceux ci ne m'avaient pas détourné de l'organisation au point de vue doctrinal, c'était plutôt un retour vers la Bible afin d'y vérifier notre enseignement qui le fit.
Joan et moi-même nous nous mariâmes en septembre 1958. Notre ami intime, Clin Quackenbush, ancien éditeur de "Réveillez-Vous!" prêcha à la cérémonie. Carl Howell, mon beau-père, me demanda comment je voulais gagner ma vie. Je répondis: "Tout ce que je sais faire, c'est prêcher. Il me dit que je pourrais travailler dans sa ferme et que Joan et moi-même pourrions occuper la moitié de sa maison. J'acceptai son offre et me mis à travailler à la ferme une des plus belles de Pennsylvanie. Je m'entendais à merveille avec Carl et le travail me plaisait.
Petit à petit je repris le travail des Témoins et j'acceptai finalement la charge, d'abord de serviteur à l'Ecole du ministère et puis des études bibliques dans la congrégation de la région.


ENCORE LES TRANSFUSIONS!
Le moment de ma séparation d'avec les Témoins fut précipité quand les grands-parents d'un jeune enfant ayant besoin d'une transfusion sanguine, me demandèrent ce que je ferais si mon enfant en avait besoin. Je répondis que je laisserais le médecin décider. A cause de cette réponse, le comité judiciaire du siège me convoqua à la SalIe du Royaume de Brodheadsville pour une explication.
La question des transfusions fut la raison profonde de mon exclusion. Ceci est très important et mérite d'être expliqué en détail.
La citation suivante, tirée du livre "Le Chemin qui mène à la Vie Eternelle", page 168, met tout de suite en relief l'enseignement de la Tour de Garde quant aux transfusions sanguines
Serait-il logique de renier Dieu en enfreignant sa loi, simplement dans l'espoir douteux de prolonger sa vie de quelques années dans le présent système de choses? Si nous essayons de sauver notre vie ou âme en violant la loi de Dieu, nous la perdrons définitivement

Cette interdiction était claire pour mon beau-père et son cousin, Hayden, car ils avaient expliqué la doctrine de la Société à Mac Altemose, une sœur de la congrégation, qui disait que si elle avait besoin d'une transfusion, elle l'accepterait. Elle fut mise sur la sellette et apprit que si elle acceptait une transfusion, elle serait exclue.
La grande hypocrisie de l'affaire, c'est qu'en 1949, le grand-père de Joan, William Kimmel, un soit-disant membre des 144000, reçut une transfusion sanguine, et mon beau-père et son frère, Hayden Howell, donnèrent du sang tous les deux tout en encourageant les voisins à faire de même! Ils firent ceci parce qu'ils savaient que le grand-père avait la leucémie.
Quand mon beau-père se vit confronté avec cette violation de la "Loi de Dieu", il répliqua que "la doctrine n'était pas très claire à l'époque". Sur quoi je lui répondis: "Ce n'était pas très clair quand le Président des Témoins de Jéhovah et d'autres dirigeants sont venus visiter ta ferme et manger à ta table! Et si ce n'était pas clair, ne pouvais-tu pas téléphoner à Brooklyn comme tu le fais pour d'autres questions?" Puis je dis à Carl: "Moi, je n'ai jamais donné du sang et je n'en ai jamais reçu. On m'a exclu parce que je ne cachais pas mon opinion là-dessus".
Les intéressés dans le cas des transfusions données au grand-père de Joan, ne furent même pas interpellés bien que l'affaire se soit sue.
Maintenant que je regarde en arrière, je ressens que mon exclusion marqua un des jours les plus importants de ma vie. Le jour le plus important fut celui où je consacrai ma vie à Dieu. Pourquoi mon exclusion fut-elle si importante? Parce qu'elle provoqua une rupture d'avec une organisation et un système que je n'acceptais plus. Elle m'empêcha de marcher en zigzags entre la vérité que je savais et l'erreur en laquelle il fallait croire. qualité de Témoin. J'étais aussi désormais délivré du souci qui consistait à garder mes amis intimes parmi les Témoins en faisant semblant de croire des doctrines qui me déplaisaient. Sans la cassure produite par mon exclusion, j'aurais continué ma vie d'hypocrisie, ce qui est actuellement l'expérience insatisfaisante de bien des Témoins.


ENCORE DE L'HYPOCRISIE
La constatation que beaucoup de Témoins mènent des vies hypocrites n'est pas seulement mon opinion, car mes expériences l'ont prouvé abondamment. Par exemple, au moins six de mes amis vinrent vers moi après mon exclusion, me parlant ainsi: ''Bill, dis tout simplement que tu es d'accord avec eux pour les transfusions. Moi non plus, je ne crois pas à tout ce qui est enseigné!" Un serviteur dans la congrégation me disait: "Crois ce que tu veux, Bill, mais reste avec nous!" Au fil des années bon nombre de Témoins ont exprimé leurs réserves quant à l'enseignement de la Société. Dans bien des circonstances, qu'il serait trop long de mettre en détail ici, il était évident que souvent des Témoins ne prenaient pas souci de ce que Dieu penserait de leurs actions, mais qu'ils faisaient bien attention de cacher toute idée qui risquerait de se révéler contraire à l'opinion de la Société. Evidemment l'approbation de la Société valait plus que l'approbation de Dieu.
Une autre expérience courante le souligne. Un serviteur dans la Salle du Royaume où j'étais me parla d'une étude qu'il conduisait depuis deux ans environ avec une certaine famille. Je me retrouvai un jour chez ces gens et je leur posai une question au sujet de ce frère. Ils m'apprirent qu'ils ne l'avaient pas vu depuis plusieurs mois et qu'il ne conduisait aucune étude chez eux. Ce frère "dirigeait" son étude biblique simplement en remplissant sa fiche de rapport de service hebdomadaire. Son service sur le terrain le dimanche consistait à entrer dans le café du coin et à y prendre son petit déjeuner en lisant son journal. J'ai constaté que beaucoup de rapports étaient faux ou gonflés. Rien n'est plus facile que de remplir le rapport sans faire les heures, surtout quand celles-ci sont obligatoires.


SI NOUS QUITTONS, OU ALLER?
Je suis convaincu que beaucoup de Témoins, qui savent que dans la Société bien des choses ne sont pas justes, ont peur de quitter. Ils sont pris au piège par la question que la Société leur pose souvent "Si nous quittions, où irions-nous?" Beaucoup de ceux qui quittent l'organisation, et qui sont attachés quand même à la Bible, trouvent bientôt Christ comme leur Sauveur. Il y en a au moins un qui quitta Béthel pour aller travailler plus tard avec l'organisation de Billy Graham, et d'autres encore sont devenus des responsables dans des églises évangéliques. Ceux-ci sont les plus répréhensibles aux yeux de la Société: elle préférerait les voir quitter plutôt en sceptiques ou en athées.
Je suis personnellement très déçu par d'anciens dirigeants des Témoins de Jéhovah qui n'acceptent plus certaines doctrines de la Société; au lieu de s'opposer à l'erreur, ils prennent une position neutre car ils ont peur d'être exclus.
Pour bien des Témoins, le fait d'être exclu peut être une expérience traumatisante. Si le lecteur est passé par là, ou si la chose lui arrive un jour, qu'il sache qu'il n'est pas vraiment exclu du tout. Ce sont plutôt les autres Témoins qui sont exclus, c'est-à-dire empêchés de fréquenter l'ex-Témoin!
Voici ce que la Bible dit: ".Si donc quelqu'un sait faire ce qui est juste, mais ne le fait pas, il y a péché pour lui" (Jacques 4:17).
En tant que représentants de la Société, ces hommes bien en vue dont je parle, ont fait des discours et écrit des articles; ils ont poussé les autres à refuser des transfusions de sang: et à accepter la prétention qu'il y a ''une seule vraie religion", celle des Témoins de Jéhovah. Depuis lors, ils ont changé d'avis, mais ne veulent pas publier leurs opinions. La peur semble les paralyser. Ils craignent les réactions de la Société, au lieu de craindre le dernier jugement devant l'Eternel Dieu.
En quittant l'organisation, où peut-on aller? En fait la réponse se trouve dans le même passage de l'Ecriture que les Témoins citent souvent: Jean 6: 66 "Dès lors, beaucoup de ses disciples s'en retournèrent vers les choses qui sont derrière et ils ne marchaient plus avec lui. Jésus dit aux douze "Est-ce que vous aussi, vous voulez vous en aller? Simon Pierre lui répondit ''Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle."
Où aller? Que faire? Celui qui cherche sincèrement peut aller directement au Seigneur Jésus Christ, en demandant sa direction. Il peut lire la Bible telle qu'elle est écrite, sans les commentaires de la Société, demandant au Saint Esprit de le guider dans toute la vérité (Jean 16: 13), exactement comme Jésus l'a dit.


MA NOUVELLE FOI
Où en suis-je maintenant? Je sais que je suis né de nouveau, sauvé par la foi dans la mort de Christ pour moi. Le salut est un don de Dieu (Ephésiens 2:8-9), basé, non pas sur ce que je peux faire, mais plutôt sur ce que Christ a déjà fait. Le salut ne se trouve pas dans une organisation mais dans une Personne. Me fondant sur ce que la Bible dit si clairement, je sais que je possède la vie éternelle (l Jean 5: 13). Le Témoin de Jéhovah, lui, ne peut pas dire ces choses, parce qu'à ses yeux, il n'y a pas de salut en dehors de l'organisation.
Dieu a béni notre foyer depuis que nous avons littéralement tout quitté pour Le suivre - religion, amis parents, héritage, maison, emploi. Dieu a pourvu à tous nos besoins quand nous avons tenu fermes pour la justice. Il s'est servi aussi de nos efforts pour libérer d'autres Témoins de l'emprise de l'Organisation.
Je me demande parfois pourquoi Dieu a permis que je sois militant chez les Témoins, enlacé dans les erreurs de la Tour de Garde pendant de si longues années. Plusieurs serviteurs de Dieu et d'autres ont suggéré la réponse suivante, avec laquelle je suis d'accord: mes expériences étaient pour le bien des autres que j'ai pu aider et délivrer. Je prie et j'œuvre dans ce sens. Que l'Eternel Dieu et le Seigneur Jésus-Christ soient glorifiés par ce ministère.


UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT
Depuis le moment en 1962 où j'ai quitté la Société beaucoup d'anciens Témoins m'ont exhorté à publier le récit de mes expériences au siège de la Société Tour de Garde. Mon hésitation initiale venait de la pensée que tous les hommes sont imparfaits, et de ce fait, commettent des actes imparfaits. Toutefois, il faut remarquer que les dirigeants de la Tour de Garde se sont octroyés l'autorité de parler comme représentants du Dieu Tout Puissant, et c'est donc l'orgueil et l'erreur de cette prétention qui ont balayé la réticence que j'avais.
La raison-clé de mon action est aussi le fait que c'est une question de vie ou de mort.
On ne devrait pas laisser mourir des Témoins de Jéhovah et leurs enfants qui ont besoin de sang, à cause de l'interdiction insensée de la Tour de Garde. Je veux ainsi garder une bonne conscience. Si je me taisais, j'aiderais en réalité la propagation d'une croyance mettant en jeu la vie d'une personne malade. Je ne veux pas avoir sur ma conscience la mort d'enfants innocents.
Après avoir lu mon rapport, beaucoup de gens diront avec légèreté qu'une bonne partie est fausse. Si la conclusion du lecteur est telle, je l'invite à sonder lui-méme les choses. Il y a beaucoup d'anciens Témoins qui peuvent aider et bien d'autres livres sont disponibles pour étudier les sujets que je n'ai pas traités.